Comportement en public

Le comportement des suédois en public n’a rien à voir avec celle des peuples du centre ou du Sud de l’Europe. Elle est en revanche partagée par les pays de la Scandinavie. Elle concerne avant tout la relation aux inconnus. En effet, entre personnes qui se connaissent, les rapports deviennent habituels.

Quelques exemples :

Ne pas croiser le regard. Le suédois marche droit, regarde au sol ou ailleurs, mais jamais les personnes qui l’entourent. De même, des suédois en groupe qui se connaissent ne portent aucune attention aux inconnus autour d’eux.

Ne pas s’écarter de son chemin. Le suédois marche au milieu du trottoir ou du chemin, sans s’occuper de la manière de croiser celui qui vient en face, lui aussi au milieu. Finalement, c’est grâce à une manœuvre d’évitement de dernière seconde que le croisement devient possible.

Ne pas porter assistance. Le suédois ne porte pas spontanément assistance à une personne en difficulté ou tombée à terre. Il craint de la mettre encore plus mal à l’aise en lui montrant qu’il a identifié sa difficulté.

Ne pas aider. Le suédois ne tient pas la porte, n’attends pas dans l’ascenseur, n’aide pas à porter un bagage.

Mais comment comprendre ces comportements qui ne relèvent pas d’égoïsme, mais plutôt d’une manière de respecter autrui. Deux traditions en expliquent la plupart des contours : le Lagom et le Jantelagen.

LAGOM :

Le lagom, c’est avant tout un état d’esprit ancestral qui se perpétue de générations en générations. L’origine étymologique du mot lagom (prononcez [lâgome]) vient d’une ancienne déclinaison du mot lag (= loi) où la terminaison du datif pluriel en -um lui donnait le sens de « selon la loi », pas dans le sens juridique, mais plutôt dans le sens communautaire, de règle sociale.

La légende veut que les Vikings avaient l’habitude de crier « Lag om! » quand ils buvaient chacun à leur tour dans le même pichet : il fallait prendre une gorgée lagom, pour que chaque convive autour de la table puisse en faire de même.

L’adverbe suédois lagom a pour réputation d’être intraduisible en un seul mot ; la périphrase « ni trop, ni trop peu » ou la notion de « juste milieu » se rapprochent le plus de l’idée. La  Suède est souvent décrite comme landet lagom, le pays lagom : le pays de la modération, du consensus, où l’on trouve pour chaque question une réponse au « juste-milieu » qui satisfait plus ou moins tout le monde, sans créer de vagues, pour le bien de l’environnement, des relations et de la santé des Suédois.

JANTELAGEN :

Le Jantelagen (prononcez « yantélâguène »), la « loi de Jante », existe dans tous les pays nordiques. En Norvège et au Danemark, on l’appelle Janteloven, en Finlande Janten laki, et sur les îles Féroé Jantulógin. C’est une sorte de code de conduite dont les règles ont été rédigées par Aksel Sandemose dans son roman Un fugitif recoupe ses traces (En flygtning krydser sit spor en norvégien — En flykting korsar sitt spår en suédois), publié en 1933. Sandemose était norvégien mais avait grandi au Danemark. Pour décrire la ville fictive de Jante, l’auteur s’est inspiré de la petite ville danoise de Nykœbing (située sur l’île Mors, dans le nord de Jylland).

Le Jantelagen tient en ces quelques préceptes : ”Tu ne croiras pas que tu es quelqu’un de spécial, que tu vaux autant que nous, que tu es plus intelligent que nous, que tu es meilleur que nous, que tu sais mieux que nous, que tu nous es supérieur, que tu es capable de quelque chose, tu ne riras pas de nous, tu ne croiras pas que quelqu’un se soucie de toi ou que tu peux nous apprendre quelque chose”.

L’auteur décrit ainsi — voire même critique — cette « loi » non-écrite, mais bien ancrée dans l’esprit des peuples nordiques, qui régit la place de l’individu dans le groupe.

Dans la vie de tous les jours, le Jantelagen laisse des traces, subtiles et sûrement inconscientes chez la plupart des suédois, car pour eux il n’y a rien de plus normal. Les opinions personnelles, les talents, la richesse financière sont quelque chose de privé, d’intime, que l’on garde souvent pour soi, pour ainsi mieux se fondre dans le groupe. Et aussi pour éviter le jugement des autres. D’ailleurs peu de suédois se permettront de juger votre manière de vous habiller ou de vous comporter, même si vous « ne rentrez pas dans le moule” ; on ne relèvera pas votre différence.