La maladie de l’homme fol

Nous sommes entrés dans le troisième millénaire. C’est l’occasion pour notre rubrique dédiée aux plaisirs du palais de dresser un bilan. L’histoire de l’homme a été une succession d’évolutions. Certaines de ces évolutions se sont même avérées être des progrès pour l’humanité. La plupart hélas ne sont que fuite en avant et (auto-)destruction.

Le domaine de l’alimentation, comme d’autres, a été marqué jusqu’au siècle passé par l’empirisme. Grâce à la sagesse et à l’expérience des anciens, nous savions que tel ou tel ingrédient était bon ou qu’un autre ne devait être consommé que dans certaines circonstances. Ces connaissances étaient transmises oralement de génération en génération. Elles augmentaient constamment. Petit à petit, les recherches scientifiques ont permis de mieux connaître les fondements des connaissances anciennes selon des démarches exactes et rigoureuses.

Parallèlement à cela, notre civilisation occidentale a rejeté de plus en plus ses valeurs d’antan que sont la qualité, le bien-vivre, le travail bien fait pour se précipiter dans l’enrichissement rapide, la superficialité et la fracture sociale. La conséquence immédiate de ce mouvement est la négation des connaissances anciennes et l’utilisation rapide et immodérée des nouvelles connaissances scientifiques. Le seul critère devient l’argument économique.

L’alimentaire n’échappe pas à ces changements de valeurs. Souvenons-nous que l’on trouvait sur le marché, il y a quelques années, de l’huile frelatée ou du vin coupé au méthanol. Des révélations récentes ont montré que des milliers de tonnes de beurre vendu en France était enrichi aux hydrocarbures. Je passe sur les œufs et les poulets industriels atteints de salmonellose ou les veaux engraissés aux hormones. La situation est grave. Tout est tellement bon pour faire du fric que l’on est même prêt à nous empoisonner pour cela.

Aujourd’hui, on nous avoue nous avoir fait manger de la vache qui devient folle. Elle peut même rendre fou celui qui la mange. On confesse alors que ces vaches étaient nourries avec de la viande et que l’on ne savait pas que cela pouvait leur être fatal. On essaye de nous rassurer en nous racontant que seuls quelques morceaux de la bête sont incriminés, que la surveillance est de plus en plus grande, que l’on ne donnera plus jamais de viandes à ces grands herbivores. Balivernes. Le monde scientifique cherche et ne trouvera que lentement les réponses que nous n’aurons peut-être que dans plusieurs années. Pourtant un certain Steiner avait décrit, en 1923 déjà, comment des vaches nourries avec de la viande pourraient devenir folles. Notre irrespect de la connaissance ancienne a rangé ce propos aux oubliettes.

Qui donc est le plus fou des deux : l’homme qui nourrit mal la vache ou la vache qui transmet une maladie à cause de la nourriture donnée par l’homme ? La vache n’est pas folle ; c’est l’homme qui est fou. C’est la maladie de l’homme fol !
Pouvons-nous dès lors espérer que, prenant conscience de sa maladie, l’homme cherche la guérison, la voie de la sagesse et de la modération dans ses rapports avec la nature ? Oui, nous pouvons espérer ! Mais plus tard, beaucoup plus tard…

Parlons maintenant de l’avenir immédiat. L’on nous fait manger des aliments qui contiennent plus ou moins d’OGM (organismes génétiquement modifiés) et l’on nous affirme, bien sûr, que cela n’est nocif ni pour l’homme ni pour la nature.

Ces aliments ne sont que rarement identifiés comme contenant des OGM. Des essais récents ont montré que l’une des variétés de maïs OGM tue des papillons. Toujours aucun risque nous répète-t-on pourtant. Facile ! Face à la justice, il suffira de prouver que l’on ignorait les risques réels ; face aux personnes malades, on jettera quelques excuses et plusieurs millions de dollars en guise de consolation. Pourquoi cela ? Par manque de recul, d’années d’observation et de dimension humaine.

Mais, espoir, il existe une solution. Nous sommes les consommateurs, donc les payeurs ; nous avons le pouvoir de décider. Pour décider, deux critères simples : lever le doute et se fier à son palais. Lever le doute, c’est exiger de connaître exactement le contenu, la provenance et la qualité de ce que l’on nous vend ; si le doute subsiste, c’est ne pas acheter. Se fier à son palais, c’est goûter avant de manger ; c’est savoir comparer pour rechercher la meilleure qualité, la meilleure saveur. L’intelligence et la connaissance auront ainsi raison de la maladie de l’homme fol. Utopie ? A vous d’en décider.

Bon millénaire et bon appétit.