Le canard aux oranges (petite recette cruelle)

Pour faire un bon canard aux oranges, il faut commencer la préparation dès la naissance du caneton. Il faudra pour cela soustraire ce dernier à sa mère dès l’éclosion de l’oeuf. Cette étape ne devrait pas poser de problème particulier. Si la mère proteste ou que le père se manifeste, un bon coup de pied devrait faire l’affaire et calmer tout le monde. Tout le secret de cette recette réside dans le fait que les oranges ne seront pas simplement un ingrédient de la cuisson mais qu’elles seront la nourriture principale du caneton durant sa croissance. Sa chaire prendra ainsi petit à petit le parfum et le goût des oranges. L’alimentation du caneton devra faire l’objet d’une attention particulière. On veillera à le gaver d’une céréale peu goûteuse (blé, orge ou flocon d’avoine) additionnée d’un décilitre de jus d’oranges fraîches par jour. La céréale est là pour engraisser le volatile et apporter une consistance ferme à sa viande. Le jus d’orange amène le goût au « cœur » de l’animal.

Le mélange céréales et jus d’oranges est hautement indigeste pour la volaille en général. Il conviendra donc de ne pas déroger à ce régime même si le caneton y oppose quelque résistance. On n’hésitera pas, en cas de besoin, à le gaver de sa préparation quotidienne à l’aide d’un entonnoir ou d’un tube d’un bon diamètre.

Il est bon de remarquer que le procédé du gavage n’est pas mis en œuvre seulement pour nourrir la volaille ; il est également utilisé par certains politiciens qui entendent rassasier les foules en leur servant des discours simples, populistes et rassembleurs. Mais revenons-en à notre recette !

Il peut arriver que le caneton, lassé de son alimentation, vous accueille parfois l’œil triste et implorant alors que vous vous approchez pour le nourrir. En aucun cas, il ne faudra céder. Au contraire, vous marquerez votre détermination en doublant sa ration. L’engraissement n’en sera d’ailleurs que plus rapide.

Après avoir bénéficié de ce régime alimentaire durant quelques mois, le caneton deviendra un canard dodu prêt à être mangé. Il faudra alors l’attraper et le tuer. En l’attrapant, on veillera à ne pas stresser l’animal ; la meilleure solution est de le saisir par derrière en lui tordant littéralement le cou. Si cela n’est pas possible, il reste quelques procédés qui ont fait leurs preuves : lui couper la tête à la hache ou lui l’écraser dans une machine à faire les lasagnes ou même le noyer dans la marre (attention au goût de terre s’il venait à en avaler).

L’animal tué, le plumer, le cuire avec une ou deux oranges, l’assaisonner et le manger.

Bon appétit.